Vient de paraître !





    En matière de sexualité, il est nécessaire qu'il y ait une morale.
    Certainement. Mais quelle morale ?    C'est d'abord une affaire de style.    Voilà de quoi déplacer ces discussions fixées sur l'opposition du permis et du défendu, alors que la condition de l'humain, homme et femme, chair et désir, demande pour être vécue un peu plus qu'un règlement.

   

Dans ce nouveau libre, Maurice BELLET n'entend pas polémiquer à propos des questions de morale sexuelle et de la manière dont elles sont abordées dans l'Eglise. Il déplace en effet ces questions et remet au centre ce qui les précède : la relation entre êtres humains.

Lisez ici un extrait du livre : Notre question initiale était celle du permis et du défendu ; l'accent était nécessairement mis sur l'interdit, ses exigences et son contenu. La perspective a changé en cours de route. Il est apparu que la question première, celle qui commande les autres, était d'un autre ordre : comment assumer notre vie mortelle, comment y trouver de quoi vivre, à travers tout ce qui œuvre pour la mort ? Mais, finalement, cela n'élimine pas la question du permis et du défendu ;
elle est déplacée, mais plus forte que jamais : car il s'agit de la limite au-delà de laquelle le meurtre emporte tout. Le "il faut, il ne faut pas" revient en force, mais comme ce qui n'a sens que dans, par, pour le don de la vie.
Et c'est dans l'expérience. Il ne suffit pas de reconnaître ce bon principe, qu'en fait tout moraliste digne de ce nom ne peut qu'approuver. Il faut (voici donc "il faut") qu'il anime la pensée et la pratique de chaque homme. Dans l'ébranlement général où nous sommes, c'est en un sens à chacun de percevoir en lui-même ce qu'il en est. Toutefois, si l'on s'en tient là, c'est risquer le chaos complet. La belle conscience morale qui ne saurait tromper est, dans les faits, une fiction. On peut être un fanatique tout à fait sincère. Il massacre au nom de ses idées, mais il peut se faire tuer pour elle. Le relativisme vaut… pour ce qui est relatif. Mais il n'y a pas de relativisme devant Auschwitz.
Dans la question qui nous concerne ici, que devient la difficulté ? Il y a d'un côté le noyau dur de la moralité, dont la disparition signifierait, aux yeux de ceux qui la défendent, un affaissement irréparable de la foi qui deviendrait, dans l'expérience, le n'importe quoi d'une spiritualité confuse. Et il y a de l'autre côté la volonté de sauver la foi d'une irréalité, d'une méconnaissance de l'expérience réelle qui aboutit, en fait, à recouvrir de belles intentions et de beaux discours – n'importe quoi.
Il est bien apparu, en cours de route, combien une morale digne de respect pouvait dériver vers ce qu'elle devrait craindre le plus : le mensonge meurtrier. Mais critiquer est tout à fait vain si l'on ne répond pas à la question posée.
Il faut décider, maintenant. Pour chacune et chacun, choisir sa vie, autant qu'elle dépend d'elle ou de lui.
Il y a bien, dans le monde catholique, une solution, ou plutôt un arrangement. On distinguera la doctrine officielle et la pratique concrète. On respectera la première, mais d'un respect suffisamment lointain pour que la vie soit possible. Affaire de chacun. Affaire des prêtres, dans leur, directives et leurs conseils, dont la largeur d'esprit sauvera le bien-être spirituel de celles et ceux qui viennent confier leur désarroi.
Cette dichotomie ne résout rien. Elle risque de provoquer une hypocrisie redoutable ou, quand les choses apparaissent, la liquidation définitive d'une religion qui tolère ce système-là.

BELLET M., La chair délivrée, éd. Bayard, Paris, 2015, pp. 103-105 

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